STOP A LA LOI DU SILENCE

dimanche 26 juin 2016

Vivre avec une personne souffrant d'un trouble de personnalité borderline (suite)
Par Michel Gagnon, Psychologue Québec


Caractéristique des Borderline


1. Hypersensibilité à l'abandon, réelle ou imaginée, reliée à une incapacité de vivre la solitude, et efforts excessifs pour l'éviter (rage, colère, menaces, supplications, etc.). L'entourage se sentira facilement coupable dans de telles circonstances et c'est normal. Qu'il s'agisse, d'un abandon réel (rupture définitive de la part du conjoint) ou imaginé (absence temporaire pour une raison quelconque, que ce soit le travail ou autre chose), il est préférable de ne pas se soumettre au besoin de la personne borderline d'éviter l'abandon, même si ça peut être efficace à court terme (soulagement de sa détresse et de notre culpabilité), car la situation deviendra de plus en plus insoutenable et frustrante à plus long terme, avec un désir de rejet encore plus pénible à vivre pour tout le monde.

2. Relations interpersonnelles intenses, très chargées émotivement et instables, alternant entre des sentiments extrêmes et opposés : l'idéalisation lorsque l'autre semble combler le sentiment de vide et de désespoir, et la dévaluation à la moindre déception ou frustration; attitude fusionnelle insécure et possessive; faible tolérance à une relation calme ou neutre; besoins affectifs intenses vs peur d'être profondément blessé. Il est très important de ne pas se laisser prendre dans une situation fusionnelle, même si ça peut être valorisant de se sentir admiré, car personne ne peut être toujours à la hauteur et disponible, et ainsi éviter de décevoir la personne borderline. Il faut donc transmettre le plus rapidement possible l'idée de limites et d'autonomie, qu'on ne peut toujours être disponible et que la personne borderline n'a pas toujours besoin de notre présence. Il est important de garder le plus possible son calme en le faisant, même si la personne borderline le tolère mal, car c'est ce qui permettra, à la longue, de rassurer véritablement cette personne.

3. Instabilité affective reliée à une très grande sensibilité et vulnérabilité aux événements, aux situations ou aux remarques négatives des autres, provoquant des réactions intenses d'irritabilité, de dépression, d'anxiété, de rage et de désespoir; amplification rapide des sentiments; fluctuations d'humeur sans raison apparente. Ceci peut être vraiment éprouvant, décourageant et insupportable pour l'entourage. Il est donc important de ne pas se laisser envahir par ces émotions qui appartiennent à la personne borderline. C'est ainsi qu'on sera en mesure de lui exprimer une certaine compréhension et de la compassion tout en imposant nos limites claires et fermes en exprimant nos propres sentiments plutôt que d'accentuer l'intensité émotionnelle en étant accusateur ou en jugeant cette personne. Il est important de conserver son identité propre, ses émotions, et de ne pas s'identifier à la détresse de la personne borderline; il ne faut pas craindre d'affirmer sa différence dans sa façon de voir les choses et de réagir. La personne borderline en sera peut-être frustrée sur le coup, mais elle sera probablement rassurée par la suite de voir qu'elle n'arrive pas à nous perturber et nous en sera reconnaissante. Si on se sent envahi par les émotions de l'autre, il y a lieu de se questionner sur sa propre dépendance vis-à-vis de cette personne.

4. Difficulté à contrôler la colère, qui est exprimée souvent de façon intense, violente, imprévisible et inappropriée, et qui peut disparaître aussi rapidement; ou difficulté à exprimer de la colère de peur de perdre le contrôle. L'entourage reste souvent perturbé plus longtemps par les accès de colère de la personne borderline, alors que pour celle-ci, tout est, habituellement, oublié rapidement. Il s'agit donc de ne pas dramatiser outre mesure ces accès de colère, tout en affirmant quand même certaines limites acceptables. Il ne faudrait pas ridiculiser les accès de colère (ce qui ne ferait que les accentuer), mais les prendre avec un certain détachement et de l'humour (mais aussi de la compréhension), ce qui dédramatiserait la situation, car pour la personne borderline ce n'est souvent pas aussi dramatique qu'il n'y paraît (elle a simplement besoin de laisser sortir de la vapeur). 

5. Difficulté à apaiser soi-même sa détresse en pensant simplement à quelqu'un qui l'aime ou l'apprécie; besoin de la présence physique de l'autre pour y arriver; faible tolérance à la détresse reliée à une carence d'expériences positives. Voir le point 2.6. Trouble de l'identité, avec une image de soi instable, un sentiment d'être morcelé, de se donner différentes identités selon l'interlocuteur, et un sentiment chronique de vide intérieur. L'entourage se sent souvent démuni devant ce genre d'attitude. Il est important d'encourager la personne borderline à exprimer ce qu'elle pense et ressent vraiment tout en validant ce qu'elle exprime, et de lui faire part des qualités qu'on reconnaît en elle (voir les caractéristiques positives mentionnées plus haut), de ses bons côtés, de sa valeur comme personne méritant d'être respectée et aimée.

7. Recherche de sensations fortes dans des comportements impulsifs potentiellement dangereux ou dommageables (abus de substances, boulimie, conduite automobile téméraire, comportement sexuel à risque, dépenses excessives, jeu, vol à l'étalage) dans le but de combler le sentiment de vide, de se créer une identité ou de soulager sa grande douleur. Ce type de comportement devient facilement irritant ou troublant pour l'entourage. Il est important alors d'être sensible à la détresse sous-jacente à ces comportements excessifs et de communiquer cette compréhension en évitant de juger ou de condamner, mais en confrontant la personne aux risques qu'elle prend tout en exprimant nos préoccupations et notre attachement. D'un point de vue plus positif, il peut être stimulant de se laisser influencer par ces personnes en s'ouvrant aux découvertes, aux nouveautés, aux fantaisies, tout en étant bien en contact avec soi-même et attentif à ses limites personnelles.

8. Menaces ou gestes suicidaires et d'automutilation dans le but de crier ou de soulager sa détresse insoutenable. Voir le point 7. Il ne faut surtout pas jouer au thérapeute mais plutôt exprimer à cette personne notre attachement, notre inquiétude et nos limites, et l'inciter à se procurer de l'aide professionnelle.

9. Pauvre estime de soi, sentiment de honte, image négative de soi (impression d'être sans valeur, d'être un monstre, d'être méchant et démoniaque), provoquant parfois un besoin de se considérer comme un être meilleur ou supérieur aux autres, s'imposant des standards perfectionnistes, ayant une perception de soi irréaliste et une difficulté à accepter l'échec; besoin d'être valorisé, de recevoir l'approbation et la reconnaissance des autres. Voir le point 6.

10. Moments passagers d'idées paranoïdes ou de symptômes de dissociation (impression de ne pas être là, de perdre contact avec soi-même, de se sentir étranger, irréel, engourdi) en réaction à un stress intense. Il est très compréhensible que de telles situations soient inquiétantes pour l'entourage. Il ne faut pas perdre de vue que ce sont des réactions temporaires à une situation de stress (et non une maladie chronique) et que la personne retrouve généralement son état normal assez rapidement. Il faut donc rassurer la personne borderline à ce sujet, mais si ces réactions sont fréquentes et excessives, on peut aussi lui suggérer d'aller chercher de l'aide professionnelle et souligner qu'il existe des médicaments pouvant réduire l'intensité de ces réactions et donc lui être utiles. 

11. Peur de la folie (que les émotions intenses et les comportements excessifs hors contrôle soient des signes de folie). Il est souvent dramatique que l'entourage développe cette perception de folie et la transmette à la personne borderline par manque d'information. Il est donc important de bien s'informer sur ce qu'est un trouble de la personnalité borderline, et d'en faire part à la personne concernée, afin d'en avoir une perception plus réaliste qui sera aussi transmise à cette personne.

12. Besoin de compenser un manque de contrôle sur soi-même et sur sa vie en contrôlant et en manipulant* les autres. Ce genre de comportement est irritant pour l'entourage. Il est faux de prétendre qu'il ne faut jamais se laisser manipuler par une personne borderline en craignant qu'elle en abuse. On se retrouve alors dans une guerre de pouvoir qui n'en fini plus. Comme avec un enfant, il est préférable de tolérer un certain degré de manipulation. Il devient alors plus facile pour cette personne d'accepter éventuellement des limites, si elle se sent comprise et si elle sent qu'il y a une certaine tolérance.

13. Révolte contre l'autorité, les règles, les injustices; ressentiment, insatisfaction, envie; impression de ne pas avoir droit au bonheur; sentiment d'avoir subi des injustices et qu'alors quelque chose lui est dû. Un tel comportement devient rapidement insupportable et décourageant pour l'entourage. Il est important de reconnaître et de valider les sentiments de cette personne, de lui apporter un soutien, mais en même temps de la confronter aux réalités de la vie, au fait qu'il est impossible d'éviter ou de réparer toutes les injustices même s'il est important de les dénoncer, et que vivre implique aussi une capacité à faire des concessions.

14. Très grande sensibilité aux autres; capacité à percevoir les points sensibles et vulnérables des autres, à comprendre ce qu'ils ressentent tout en ayant parfois de la difficulté à en tenir compte ou en s'en servant pour blesser les autres. Ceci peut être très troublant pour l'entourage. Il faut donc être prêt à être confronté à sa propre détresse, à être touché à ses points sensibles et vulnérables afin de se sentir moins fragile à ces attitudes. Sinon, il y a peut-être lieu d'aller chercher de l'aide pour soi-même.

15. Bonnes compétences et capacités de performance, malgré de grandes carences, dans certaines situations ou certains domaines (artistique, sportif, etc.) et perte de moyens dans d'autres situations, ce qui est souvent difficile à comprendre pour l'entourage. Il est important de bien reconnaître et valoriser les compétences tout en évitant de juger négativement les carences.
Il faut encourager alors cette personne à persister pour améliorer ses carences en lui rappelant les compétences qu'elle a par ailleurs et ses caractéristiques positives.
Outil d'information et de coaching
Différents moyens peuvent être utilisés pour transmettre cette information et apporter de l'aide aux familles des personnes souffrant d'un trouble de la personnalité borderline. Personnellement, j'ai trouvé fort utile de condenser l'information décrite plus haut en un dépliant qui peut être facilement distribué dans différentes cliniques ou ressources communautaires. 

Michel Gagnon est psychologue aux services externes de psychiatrie à l'Hôpital du Haut-Richelieu.
Source : Psychologie Québec - Le magazine de l'Ordre des psychologues du Québec, Volume 22 - Numéro 3 - Mai 2005,




 

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